Voici les observations des élèves et des enseignants sur ce qu'ils ont pu voir concrètement de l'école finlandaise, de l'intérieur...
Cette année, afin de permettre à un maximum d’élèves des deux pays de bénéficier de cet échange, un second lycée, celui de Sammon Keskuslukio, s’est joint à l’opération. Les élèves accueillis dans les familles de leurs correspondants ont pu découvrir la vie quotidienne des Finlandais, leurs activités, leur cadre de vie, mais également leur système scolaire puisqu’ils ont bénéficié de quatre demi-journées d’immersion au lycée.
Le lycée : un lieu de vie ouvert
Casiers et porte-manteaux dans le hall du lycée permettent aux élèves de se mettre à l’aise et de se sentir comme chez eux : en pantoufles ou en chaussettes, débarrassés de leurs vestes et autres sacs. Le lycée est un lieu ouvert à tous les citoyens de la ville : chacun peut venir assister à un cours (même si dans la pratique cela reste rare), visiter la galerie d’art des élèves ou suivre des cours du soir, dispensés au lycée après la fin des cours du secondaire. Réciproquement, les élèves sont invités à rester en contact avec l’extérieur, puisque le lycée de Tamerkoski ne dispose pas de CDI mais d’un accès direct à la bibliothèque municipale attenante.
Une atmosphère sereine, bienveillante, basée sur la confiance, la tolérance et la responsabilisation
Élèves et enseignants français, chacun a été frappé par l’ambiance dans les salles de classe : un peu moins d’élèves qu'en France en moyenne (entre 22 et 28), et une discipline moins stricte : les retardataires sont acceptés sans remarques et vont s’asseoir discrètement, les enseignants tolèrent sans ciller que les élèves ne suivent pas le cours tant qu’ils ne dérangent pas ceux qui travaillent, l’usage du téléphone portable est accepté au même titre que celui de l’ordinateur portable, sans vérification ostensible de ce qu’y font les élèves, connectés en wifi dans tout l’établissement.
La raison d’une telle tolérance : un système où seuls certains cours sont obligatoires (les autres relevant du choix des élèves selon leurs centres d’intérêt), et une année scolaire découpée en cinq périodes à la fin desquelles les élèves doivent valider leurs modules ou les repasser : les élèves qui ne travaillent pas suffisamment en paient assez rapidement les conséquences.
Autre source d’étonnement pour nous, Français : l’absence de Conseiller principal d'éducation (CPE) et de Bureau de Vie Scolaire. C’est à chaque enseignant de régler le non respect des règles, par le dialogue essentiellement, avec les élèves ou en second recours avec leurs familles : retards trop fréquents, perturbation de la classe, manque de travail… L’idée est que l’enseignant qui constate le problème accompagne l’élève afin de l’aider à le résoudre. un fonctionnement intéressant dans le principe, même s’il faut admettre qu’il ne met pas systématiquement fin pour autant à l’absentéisme et au décrochage.
Des TIC et de l’autonomie
D’un point de vue pédagogique, l’utilisation des TIC (essentiellement vidéoprojecteurs, TBI et ordinateurs portables connectés en wifi) est très largement répandu, aussi bien chez les enseignants que chez les élèves. Le lycée de Tammerkoski dispose d’ailleurs d’un parc d’ordinateurs portables pour les élèves, même si la plupart viennent en classe avec leur propre matériel. Le téléphone portable est également utilisé, notamment pour des activités de type Kahoot ou des recherches rapides. Mais ce qui nous a particulièrement frappés, en tant qu’enseignants, est la capacité des élèves à fournir un travail d’une grande qualité de façon autonome : collaborer, s’organiser, dégager une problématique, mener des recherches pertinentes et approfondies, produire un travail (œuvre d’art, exposé, …) riche, intéressant, pertinent et argumenté, s’exprimer à l’oral avec aisance…. Un résultat visiblement dû à une autonomie acquise tout au long de leur scolarité grâce à des orientations pédagogiques qui privilégient le savoir-faire et la curiosité.
Et les langues ?
Réputés, à juste titre, pour leur très bonne maîtrise de l’anglais notamment, les élèves finlandais ne réalisent en réalité qu’une partie de leur apprentissage à l’école. Les professeurs d’anglais l’admettent : « Ce n’est pas tant à l’école que nos élèves apprennent l’anglais, mais plutôt grâce à leur exposition à la langue à travers la télévision ou internet. Ici, les productions anglophones ne sont pas doublées : les enfants sont donc habitués à entendre de l’anglais et à faire l’effort de le comprendre. Ce que nous faisons, c’est principalement renforcer leur maîtrise de la langue en consolidant et en rationalisant leurs acquis, grâce à la réflexion grammaticale notamment.» Et nous avons de fait été surpris de constater qu’en termes de pédagogie, les cours d’anglais auxquels nous avons eu l’occasion d’assister ne faisaient pas preuve d’une originalité ou d’une innovation exceptionnelles.
Une expérience éclairante
Elèves et enseignants français, nous avons tous été conquis par cette expérience à la fois surprenante et motivante, qui a généré des discussions et des réflexions très intéressantes et enrichissantes sur notre propre système, ses règles, son organisation, son fonctionnement, même si nous avons conscience que tout ceci s’inscrit aussi dans une culture et une société globalement différentes, Comme l’ont souligné nos élèves, « ils ont de la chance de pouvoir utiliser leurs portables en cours ! Mais si nous les Français on avait le droit, est-ce qu’on serait capables de respecter des limites ? » De quoi en tout cas porter un regard différent sur nos pratiques d’enseignants et notre façon d’être élève...
Christel Delaigue, enseignante au lycée Simone Weil
Mise à jour : décembre 2021