A l’invitation de Memoriae, le club Mémoires animé par Christophe Boutier, professeur-documentaliste, Ginette Kolinka, l’une des dernières survivantes du camp d’Auschwitz-Birkenau, est venue depuis Paris, témoigner comme elle le fait depuis des décennies, du haut de ses 97 ans, pour que jamais plus la haine n’entraîne l’homme dans la voie de la barbarie. L’ensemble des personnels de l’établissement dirigé par le nouveau principal, Christophe Soleilhavoup, a œuvré pour que la journée soit une réussite à la hauteur de cette grande et belle dame qui, trois heures de rang, a captivé l’auditoire. Henri Diot de l’association nationale des anciens combattants et amis de la résistance (ANACR) est également intervenu pour contextualiser l’année 1944 auprès des élèves...
Ginette Kolinka, qui affirme souffrir d’être devenue « dure », de ne plus s’émouvoir et de ne plus pleurer, déroule alors le film qu’elle voit devant ses yeux comme à chaque fois qu’elle témoigne, comme si c’était hier. L’auteur de « Retour à Birkenau », autobiographie essentielle, indispensable, petite par la taille mais grande par le contenu, raconte ce qu'elle a vu et connu. Les coups, la faim, le froid. La haine. Le corps et la honte de la nudité. Les toilettes de ciment et de terre battue. La cruauté. Parfois, la fraternité. Un récit poignant du quotidien dans les camps mais aussi l’après, le retour.
Ginette Kolinka, née le 4 février 1925 à Paris dans une famille non pratiquante d’origine juive, est la sixième d’une famille de sept enfants. Son père, Léon, avait un atelier de confection. En 1942, toute la famille fuit Paris, les lois raciales, pour s’installer à Avignon et travailler sur les marchés. Le 13 mars 1944, la Gestapo arrête les hommes de la famille, son père, son frère de 12 ans et son neveu de 14 ans, sur dénonciation. Devant les remarques de Ginette, elle est embarquée. Tous sont internés au camp de Drancy avant d’être déportés, le 13 avril 1944, dans le convoi 71, des wagons à bestiaux, à Birkenau. Dans celui-ci se trouvent deux jeunes filles dont elle deviendra l'amie, Simone Veil et Marceline Loridan-Ivens.
« Comment ai-je pu survivre à « ça » ?!!! »
Son père et son frère sont gazés à l’arrivée. Ginette entre dans le camp des femmes. Elle découvre la nudité, choquante, le rasage des parties intimes, les vêtements qui ne que des haillons et l’horreur de ce qu’on ose appeler « toilettes. » Elle n’est plus que le matricule 78 599. La déshumanisation est totale. Elle dit n’être plus rien, une sorte de robot tenaillé par la faim, qui travaille à porter des cailloux pour rien, à construire des routes, à poser des rails… qui ne réfléchit plus, qui ne pense plus à rien.
En avril 1945, devant l’approche des armées alliées, elle est transférée pendant huit jours, par un « train de la mort » jusqu’au camp de Theresienstadt où Ginette est atteinte du typhus. A son retour en juin 1945, elle retrouve sa mère et quatre sœurs et leur apprend brutalement l’assassinat des hommes de la famille. Elle essaie alors de reprendre vie pendant deux ans et ne parle à personne de sa déportation. Ginette se marie en 1951, a un fils, Richard Kolinka, devenu le batteur du groupe de musique Téléphone et reprend son travail sur les marchés.
Captivante, conteuse hors pair, dotée d’une belle vitalité et de beaucoup d’humour, Ginette Kolinka marque les esprits. Avant de partir, elle transmet un dernier message à l’assemblée, celui de compter sur la jeunesse et sur les enseignants pour prendre le relais et devenir à leur tour des passeurs de mémoire. Pour que l’intolérance, le racisme et la haine disparaissent.
Légende Photo : Ginette Kolinka entourée de certains élèves de 3e ; de Christophe Boutier, professeur documentaliste ; Henri Diot de l’ANACR ; Christophe Soleilhavoup, principal du collège et Delphine Poignet, gestionnaire.
Mise à jour : octobre 2022